"Sécurité globale" : "des atteintes importantes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales" (CDH-ONU)

 

La proposition de loi pour une "sécurité globale" porte "des atteintes importantes aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, notamment le droit à la vie privée, le droit à la liberté d’expression et d’opinion, et le droit à la liberté d’association et de réunion pacifique" et place la France en contradiction avec la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention européenne des droits de l’homme.

Voici l'évaluation du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, portée dans une lettre envoyée aux autorités françaises, dont le président de la République en première instance, le 12 novembre.


(c) Ishta

Extraits et images :

Page 1 : "Nous craignons que l'adoption et l'application de cette proposition de loi puissent entraîner des atteintes importantes aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales, notamment le droit à la vie privée, le droit à la liberté d’expression et d’opinion, et le droit à la liberté d'association et de réunion pacifique, tels qu’établis dans la Déclaration universelle des droits de l’homme (respectivement aux articles 12, 19 et 20), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (le « PIDCP ») (respectivement aux articles 17, 19 et 21) et la Convention européenne des droits de l’homme (respectivement aux articles 8, 10 et 11)."


Page 2 : "Nous considérons que les dispositions résumées précédemment de cette proposition de loi, en leur état actuel, sont susceptibles de porter une atteinte disproportionnée à de nombreux droits, libertés fondamentales et principes généraux de droit, de manière non conforme aux obligations énoncées dans les traités internationaux, essentiellement relatives au droit à la vie privée, à la liberté de réunion pacifique, à la liberté d’expression et au principe de responsabilité pénale pour violation des droits de l’homme. Cette proposition de loi, qui émerge dans le contexte général de la lutte anti-terroriste, paraît également refléter un manque de précision qui serait susceptible de porter préjudice à l’état de droit."

Page 3 : "La législation existante limite la possibilité des agents équipés de ces caméras de visionner eux-mêmes ces images. Or, les amendements proposés prévoient la possibilité de transmettre en temps réel les images au poste de commandement du service concerné, ainsi qu’au personnel impliqué dans la conduite de l’exécution de l’intervention. Comme le défenseur des droits l’a noté, « l’objectif de telles dispositions n’est pas évoqué dans l’exposé des motifs et devrait être clarifié ».4 Nous estimons que la suppression de ces garanties sont susceptibles d’entraîner une atteinte disproportionnée au droit à la vie privée.

En outre, ces nouvelles dispositions ne seraient pas non plus en adéquation avec les standards internationaux relatifs à la bonne gestion des rassemblements selon lesquels « un dialogue ouvert entre les autorités (y compris les autorités chargées de recevoir les notifications et les responsables de l’application des lois) et, lorsqu’ils sont identifiables, les organisateurs de la réunion avant, pendant et après la réunion, permet d’adopter une approche axée sur la protection et la facilitation [de l’exercice du droit de réunion pacifique], ce qui contribue à apaiser les tensions et à empêcher que les problèmes ne dégénèrent. » (A/HRC/31/66, para. 38)."

Page 4 : La première préoccupation concerne la possibilité d’utiliser ces caméras pour surveiller et maintenir l’ordre public lors de manifestations. Cette nouvelle mesure est à analyser au vu des développements de nouvelles technologies, qui impliquent la reconnaissance faciale et la collecte massive et indistincte de données à caractère personnel. Nous craignons dès lors que ces données puissent être utilisées de manière disproportionnée, à des fins qui ne sont pas utiles et qui constituent une ingérence à l’application du droit de réunion pacifique. Non seulement les manifestants pourraient craindre que leurs opinions politiques soient connues voire stockées et analysées par le pouvoir exécutif, mais cette information pourrait être en outre erronée s’il s’avérait que des individus agissant de manière pacifique se trouvent, de manière fortuite, à côté d’éléments violents et puissent par conséquent y être associés. (...)

Nous exprimons aussi de sérieuses préoccupations selon lesquelles l’usage de drones avec caméras, en tant que méthode particulièrement intrusive, est susceptible d’avoir un effet dissuasif sur des individus qui se trouvent dans l’espace public et qui souhaiteraient participer à des réunions pacifiques, et par conséquent limiter indûment leur droit à la liberté d’expression et à la liberté de réunion pacifique."

 

Page 5 : "La deuxième préoccupation concerne l’utilisation de drones dans le cadre de la prévention du terrorisme, comme le prévoit le texte de la proposition de loi. Or, cet objectif ne semble pas préciser suffisamment dans quel contexte ces caméras peuvent être utilisées dès lors que les actions pour s’assurer de la prévention d’actes terroristes peuvent en principe être invoquées pour toute situation ou tout événement dans l’espace public, et qu’aucune justification n’a besoin d’être apportée afin de mettre en œuvre cette mesure, contrairement aux principes de nécessité et de proportionnalité. Cette mesure intrusive ne semble dès lors pas contenir un but défini avec suffisamment de clarté et de prévision, conformément aux exigences du droit international." (...)

Nous reconnaissons le rôle primordial des forces de maintien de l’ordre et la nécessité de ne pas entraver leur action ainsi que le droit à l’image et à la vie privée des individus faisant partie de ces forces de l’ordre. Toutefois, nous émettons des craintes relatives aux atteintes que la proposition de loi pourrait entrainer pour le droit à la liberté d’expression, y compris le droit des journalistes et du public à l’information.
Nous estimons que la mise en place de cette mesure pourrait indûment restreindre le droit à la liberté d'expression.

Page 6 : "L’information du public et la publication d’images et d’enregistrements relatifs à des interventions de police sont non seulement essentiels pour le respect du droit à l’information, mais elles sont en outre légitimes dans le cadre du contrôle démocratique des institutions publiques. Son absence pourrait notamment empêcher que soient documentés d’éventuels abus d’usage excessif de la force par les forces de l’ordre lors de rassemblements. Bien que la proposition de loi précise que seront sanctionnés les seuls cas où la diffusion d’image aura « porté atteinte à son intégrité physique ou psychique […] d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police », nous estimons que cette disposition est insuffisamment précise, contrairement aux exigences de légalité, et pourrait décourager, voire sanctionner ceux qui pourraient apporter des éléments mettant en avant une possible responsabilité des forces de maintien de l’ordre dans des violations des droits de l’homme, et donc conduire à une certaine immunité, produisant une situation d’impunité pour des actes contraires aux droits de l’homme. Nous rappelons, en effet, que la recherche d’infractions commises par des agents de forces de l’ordre, ainsi que les poursuites à leur encontre en vue de lutter contre l’impunité est un tenant essentiel des valeurs démocratiques."


Page 7 : "Nous rappelons, dans ce contexte, l’importance d’une presse libre qui contrebalance les pouvoirs régaliens de l’État, qui permet de surveiller et de dénoncer les abus commis par l’autorité et qui garantit la démocratie. Dans cette perspective, nous rappelons, comme le stipule le paragraphe 13 de l'Observation Générale no. 34 sur l'article 19 du PIDCP, que « l'existence d’une presse et d’autres moyens d’information libres, sans censure et sans entraves est essentielle dans toute société pour garantir la liberté d’opinion et d’expression et l’exercice d’autres droits consacrés par le Pacte. Elle constitue l’une des pierres angulaires d’une société démocratique […]. Cela exige une presse et d’autres organes d’information libres, en mesure de commenter toute question publique sans censure ni restriction, et capables d’informer l’opinion publique »."

 
* Le Monde (16 novembre 2020) : Le conseil des droits de l’homme de l’ONU s’inquiète du contenu de la proposition de loi « pour une sécurité globale »

Dans un rapport rédigé le 12 novembre, trois experts internationaux pointent notamment du doigt la mesure la plus controversée, qui vise à limiter la diffusion d’images des forces de l’ordre.

* Mediapart (17 novembre 2020) : Loi «sécurité globale»: les rapporteurs de l’ONU tancent la France

Mandatés par le conseil des droits de l’homme, ces experts interpellent le gouvernement français sur un texte qui pourrait « porter préjudice à l’État de droit ». À Mediapart, un ancien rapporteur spécial des Nations unies, Michel Forst, confie que cette proposition de loi vient « aggraver le dispositif de répression policière ».

* La Croix (17 novembre 2020) : Loi « sécurité globale » : les restrictions de libertés sont-elles nécessaires ?

Débat Les députés examinent à partir de ce mardi 17 novembre la « proposition de loi relative à la sécurité globale », qui renforce les pouvoirs de surveillance de la police et inquiète les défenseurs des libertés. Réclamé par les syndicats de police, l’article 24, qui punit sévèrement la diffusion malveillante d’images des forces de l’ordre, cristallise les débats.

* La Croix (17 novembre 2020) : Attention aux libertés

Éditorial Les députés entament mardi 17 novembre l’examen de la proposition de loi relative à la sécurité globale. 

"Ce texte a la particularité de renforcer les moyens de surveillance dont dispose la police vis-à-vis des citoyens tout en restreignant la liberté d’information sur l’action des forces de l’ordre. Redoutable effet de ciseau qui n’est pas acceptable."

* Le communiqué d'Info'Com-CGT (17 novembre 2020)

* Le communiqué de la CGT (17 novembre 2020)

* Une synthèse Wikipédia sur la proposition de loi.

* Les billets de la CGT Bayard + Milan sur le sujet :
ALERTE « Sécurité globale » : la police fait la loi (8 novembre)
"Sécurité globale" : quelle est la position de Bayard ? (9 novembre)
La "sécurité globale" menace la liberté d'informer (16 novembre)

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